Nous sommes début juillet dans le massif du Diois. Une vague de chaleur vient de s’abattre sur ces petites montagnes lovées juste en face du majestueux Vercors. Désireuses de faire un vrai break avec nos vies trépidantes, nous sommes 2 copines et avons signé pour une semaine de marche au rythme d’un âne en formule liberté. Nous embarquons dans l’aventure 2 enfants, Chloé 6 ans et Léo, 10 mois, qui s’installe sur le dos de sa maman dans son beau sac de portage. L’itinéraire aux Sources de la Drôme nous a séduit par la promesse d’une randonnée aux airs de bout du monde et par la perspective de rencontres chaleureuses à chaque étape.
C’est sur la place du village de Miscon que nous quittons nos habits de citadines pour nous parer en randonneuses-anières. Juliette, propriétaire d’un petit troupeau d’ânes nous accueille avec chaleur et passion. Elle nous confie son âne « préféré » : l’âne Trifon, de petit gabarit, qui adore les enfants et les câlins. Le briefing est copieux car il y a moult choses à faire et à apprendre en un temps assez court : bâter, débâter, brosser, curer les pieds, soigner, parquer… Il nous faut aussi packer nos affaires dans les 2 grandes sacoches que nous faisons porter à notre petit compagnon et faire en sorte qu’elles soient équilibrées.
Après une mise en route un peu laborieuse ponctuée de plusieurs réglages du bât, nous voilà en route le long d’un agréable ruisseau. Nous gagnons rapidement les hauteurs en suivant un joli GR qui se faufile en forêt et permet d’éviter une grosse piste. Voilà bientôt le col de Grasse (1000 mètres) où un panneau annonce le hameau des Granges dans 1 km, un objectif parfait pour la pause de midi. Notre curiosité nous pique pour ouvrir la chapelle des Granges et jeter un oeil à l’intérieur… outre un vent de fraîcheur enveloppant, une scène inédite nous attend, mais chut, ne dévoilons rien aux suivants…
Une pause bien méritée à l’ombre puis il faut motiver les troupes pour affronter la seconde bosse du jour, le col Lagier à 1207 mètres. D’ici on aperçoit notre lieu d’étape le village de Lesches en Diois, posé dans une grande plaine cultivée.
Lesches est un gros bourg assoupi à l’ombre de ses tilleuls odorants. Le Bistrot, petit bar-resto en est le point névragique ! En tant que 1ères visiteuses de l’année avec un âne, nous avons droit à la photo des proprios qui nous propulsent d’emblée sur leur page facebook ! Nous prenons place dans le gîte communal situé dans le haut du village et parquons Trifon dans un champ à proximité. Le gîte de 8 places est aménagé dans le four banal, un bâtiment en pierre voûté et plein de charme dont la fraîcheur nous ravit ! La suite de la soirée c’est resto au Bistrot… et quel festin : des délices de produits locaux finement rehaussés de notes d’ailleurs ! Là sont attablés des gens des villages voisins avec qui nous papotons, amusés par le bébé qui a pris ses aises sur le plancher. Tous sont curieux de notre périple et certains nous invitent même à passer chez eux !
Au fil des villages du Haut Diois
La suite de notre parcours nous propulse dans une autre temporalité… Nous prenons notre rythme. Chaque matin : pendant que l’une gère la préparation des enfants, l’autre s’occupe de notre dévoué compagnon qui nous a vraiment adopté comme sa famille. Chaque fois que je viens le chercher au pré, l’accueil est célébré par un braiment tonique suivi d’une séance de câlins où Trifon pose sa tête sur mon buste pendant que je le grattouille entre les 2 oreilles. En route, au bout d’une demie heure, je ne tiens plus sa longe et Trifon nous suit ainsi toute la journée. Quand Chloé traîne un peu à l’arrière, il se retourne et attend qu’elle soit dans son champs de vision pour repartir…
Nous ne croisons personne sur les chemins et certaines portions sont parfois peu visibles tant la végétation a profité d’un printemps pluvieux dans la région. Il nous faut être attentives aux indications du roadbook pour ne pas louper certaines intersections discrètes. L’itinéraire est varié, alternant zones de sous-bois et belles clairières, sentiers discrets ou portions de pistes plus larges. Le midi, le choix de la zone de pique-nique est plus fonction de l’ombre que du paysage, car le soleil tape et tout le monde doit se reposer, Trifon compris. Nous prenons soin de le débâter complètement pour qu’il puisse bien se rafraîchir aussi. Ce dernier a bien compris qu’il y avait de bonnes choses à manger sur notre carré de tissu et nous finissons par devoir l’attacher un peu plus loin…
Les étapes sont copieuses et nous réservent de belles surprises : le troisième jour entre Le Pilhon et le col de Cabre c’est un chemin idyllique en traversée avec de grandes clairières fleuries mais aussi des panorama incroyables sur le plateau de Solaure, les 3 becs et plus loin encore le Vercors et même le Mont Aiguille !
Dans les environs du col de Valdrôme, mais également à Haut Charrens, les champs de lavande colorant les versants nous offrent un vrai cadeau visuel qui enchante notre journée. Et au détour des champs de luzerne, toujours très convoités par notre âne… nous surprenons plusieurs fois des chevreuils qui s’enfuient, légers, dans une course aussi élégante qu’aérienne.
Chaque soir nous faisons étape dans des hébergements accueillants. Gîte d’étape et chambres d’hôtes nous offrent de jolis moment de récupération et de rencontre : Dominique nous a rafraîchies dès notre arrivée avec sa citronnade maison aux feuilles de menthe, Martine et Pierre nous on conté leur installation agricole dans la région, nous nous sommes régalées avec le gratin de petit épeautre cultivé à la ferme des Grangiers, pendant que les garçons de Luba ont fait de supers compagnons de jeux pour Chloé. C’est sans compter notre pause improvisée à l’Auberge de Valdrôme où gentillesse et belles saveurs nous ont permis de passer un agréable moment et nous ont donné envie de revenir pour quelques jours de plus pour explorer les environs.
Au détour d’un chemin, dans la ruelle d’un village, nous avons échangé sourires et mots bienveillants. Nous avons sentis qu’ici on avait le temps pour ça et que c’était choisi. Certes nous avons parfois évoqué la contrainte du temps et la distance pour aller se ravitailler, pour amener les enfants à l’école, ou aller chez le médecin. Mais s’installer dans un endroit un peu à l’écart du monde semble avoir été pour tous un choix délibéré sur lequel personne ne souhaite revenir. Est-ce l’harmonie de ces paysages qui s’est diffusée dans l’âme de ses habitants, ou l’inverse ?
Le long du Rif, sur le chemin qui nous ramène à Miscon, nous réalisons à quel point nous avons vécu dans l’instant présent. Durant 6 jours, lire les paysages, veiller à l’avancée de notre petite caravane, trouver notre point d’étape ont occupé toutes nos pensées. Nos journées dans le Haut Diois au pas de l’âne nous ont plongées dans un autre espace temps. Et si c’était à refaire… nous prendrions quelques journées supplémentaires pour avoir le loisir de profiter de ces lieux incroyables et prolonger ces rencontres chaleureuses et peu communes.
Retrouvez ce circuit en version liberté ou accompagné :
Les sources de la Drôme au rythme des ânes (liberté)
Aux sources de la Drôme (accompagné)
Merci à Trifon, bravo à Chloé et Léo qui ont été exemplaires malgré des températures exigeantes…