Chronique Nature #3
par Arnaud PERRIQUET, accompagnateur en montagne
Voici une troisième chronique naturaliste présentée par notre accompagnateur Arnaud Perriquet… Arnaud est passionné de botanique et fin observateur de la flore du Vercors et du Diois.
Quelles sont les caractéristiques climatiques de notre région par rapport à la flore ?
Nous nous trouvons dans la vallée de la Drôme, plus précisément dans le Diois, territoire blotti au pied du Vercors sud, au bord de la rivière Drôme à une altitude moyenne de 500 mètres. Si notre regard se porte vers le haut, nous pouvons observer de formidables falaises rocheuses allant jusqu’à plus de 1000 mètres de haut (c’est le Vercors).
Cette situation permet l’expression d’une multitude de climats différents : au bord de la rivière, nous pouvons ressentir l’influence du climat méditerranéen, alors que très proche, sur les hauts plateaux du Vercors, nous sommes sur un climat alpin. Enfin l’ouest de notre massif peut avoir des influences océaniques. Ce carrefour climatique permet la présence d’une flore très riche et diversifiée.
Quelles sont les premières fleurs apparaissant au printemps ?
Au printemps, il est toujours surprenant de voir apparaître les premières fleurs en février parfois au milieu de plaques de neige à peine fondue. La nature a des capacités d’adaptations extraordinaires : certaines plantes, à peine réchauffées par les rayons du soleil, vont démarrer leur métabolisme et fleurir assez rapidement.
Plante au pétales fins et délicats poussant dans les combes à neige d’altitude, la Soldanelle des Alpes (Soldanella alpina) pointe parfois son nez alors que la neige est encore présente.
Au bord des chemins, dans des zones de graviers et de terre remuée, nous allons voir très tôt apparaître les Tussilages (Tussilago farfara), fleurs aux capitules jaunes dorés. Cette plante fait apparaître ses fleurs bien avant ses feuilles. Depuis l’antiquité, ses fleurs seraient utilisées en infusion pour guérir la toux, d’où son nom de « tussilage » qui signifie chasser la toux.
En vallée, nous pouvons observer les premières primevères acaules dès février (Primula vulgaris) avec ses courtes tiges et ses fleurs jaune pâle. À ne pas confondre avec la primevère du printemps, surnommée « coucou », à la hampe florale plus haute et qui fleurit plus tard (en même temps que chante le coucou paraît-il !).
Tôt au printemps, c’est souvent les plantes à bulbes ou à rhizomes qui s’expriment en premier, telles que les tulipes sauvages, les jonquilles, le muguet, les violettes. En effet, ces plantes disposent déjà, dans leurs bulbes ou dans leurs rhizomes, de toutes les réserves nutritives nécessaires pour démarrer leur phase végétative plus tôt que les autres. L’intérêt pour ces plantes de fleurir en premier est de rencontrer une concurrence moindre avec les autres végétaux (en terme d’espace et en terme de pollinisateurs).
Et quelles sont les dernières de la saison ?
Souvent, en climat méditerranéen, certaines plantes peuvent se permettre une deuxième floraison automnale, ça peut être le cas pour les achillées mille-feuilles (Achillea millefolium) mais aussi pour les millepertuis, les sauges, et nombreuses autres plantes.
L’Achillée mille-feuilles (Achillea millefolium) qui fleurit une seconde fois à l’automne.
Une plante classique de fin d’été en montagne : le colchique (Colchicum autumnale) que l’on peut cependant trouver dès fin juillet dans les alpages. La colchique d’automne est une plante très toxique du fait de la présence de colchicine. Cependant, si la colchicine est
bien dosée, elle se révèle être un très bon remède préventif des crises de goutte !
Y a-t-il des espèces spécifiques du Vercors/Diois ?
La Tulipe sylvestre (Tulipa sylvestris) est une belle tulipe sauvage au sépales jaunes, elle est bien présente dans les vallées et les contreforts du Vercors. On la trouve dans les champs et prairies qui ne sont pas trop exposés aux pesticides. Sur la liste des espèces menacées et partout en décroît, la Tulipe sylvestre ou « tulipe sauvage » est en expansion dans la vallée de Die où elle fait l’objet d’un plan de gestion et de protection.
La Tulipe sylvestre, bien présente dans le Parc naturel régional du Vercors est devenue emblématique de celui-ci, si bien qu’elle figure avec le Tétras lyre sur le logo du parc.
Plus en altitude, sur le plateau du Vercors, on trouve la Tulipe australe (qui est une sous-espèce de la Tulipe sylvestre), reconnaissable grâce aux marques rouges présentes sur ses sépales (sorte de pétales situés à l’extérieur de la corolle de la fleur).
© Sandrine et Matt Booth
Parmi la flore du Diois, peux-tu nous citer des espèces que tu affectionnes particulièrement ?
J’apprécie beaucoup la grande gentiane (Gentiana lutea). Cette plante haute constitue de vastes peuplements dans les alpages, on ne peut pas rater ses grandes feuilles vertes et ses hautes hampes florales garnies de fleurs jaunes. La grande gentiane est étonnante car elle ne fleurit qu’au bout d’une d’une dizaine d’années. J’aime également la Digitale (Digitalis grandiflora) avec ses grandes fleurs jaunes de forme tubuleuses.
Extraordinairement amère, la racine de la gentiane peut mesurer plus d’un mètre de long. Utilisée en herboristerie pour ses propriétés tonifiantes et digestives, elle entre également dans la composition de liqueurs aux vertus digestives comme la Suze. Dans certaines régions, on dit que la hauteur des gentianes en été indique la hauteur de neige de l’hiver suivant…
La Digitale fait partie des plantes les plus toxiques de notre flore et il est étonnant que les plantes puissent contenir une telle puissance. Malgré cette grande toxicité, la digitale, quand elle est bien dosée, constitue un remède pour les personnes en insuffisance cardiaque.
Quelques conseils et recommandations pour préserver la flore ?
Le premier conseil pour ne pas abîmer la flore est bien évidemment de ne pas la ramasser, les plantes sont tellement plus belles dans leur milieu ! En randonnée, nous nous trouvons souvent dans des zones protégées où la législation nous interdit de ramasser les plantes sauvages.
Si on choisit de ramasser des plantes dans le but de les consommer, il faut d’abord veiller à ce que la plante elle-même ne soit pas protégée et choisir un lieu propre, loin des sources de pollution. Il faut viser une station où il y a de nombreux individus, car il est essentiel de veiller à toujours en laisser une partie pour assurer la pérennité de l’espèce à cet endroit précis.
Des références pour aller plus loin
À la découverte des fleurs des Alpes
Un guide précis, intéressant car il contient une multitude d’anecdotes !
Une vidéo sur le plan de gestion de la tulipe sauvage dans le bassin de Die :
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