Chronique Nature #2
par Vincent Henn, accompagnateur en montagne
Voici notre seconde chronique naturaliste avec un sujet bien de saison… Vincent, fin observateur de la faune du Vercors et du Diois, nous éclaire sur les différentes stratégies adoptées par la faune en hiver.
Que se passe-t’il de spécifique en hiver pour la faune sauvage ? ?
En hiver, les jours sont au plus courts, les températures sont basses et, au-dessus d’une certaine altitude, la neige recouvre le sol… Certains peuvent tirer avantage de cette situation, comme les campagnols, par exemple, qui se déplacent sous la neige, protégés du froid et (un peu) de leurs prédateurs, ou encore les prédateurs nocturnes, qui peuvent chasser sur des périodes plus longues. Mais, il faut bien reconnaître que globalement l’hiver est une saison délicate à passer pour la faune sauvage !
En tant qu’humain, on a tendance à penser que le plus difficile pour les animaux sauvages c’est de lutter contre le froid. Or ces derniers sont beaucoup mieux adaptés que nous à ce sujet, ils accumulent de la graisse et leur pelage, ou plumage, s’épaissit à la saison froide. En hiver, et particulièrement lorsque le sol est recouvert de neige, l’enjeu est la recherche de nourriture. Non seulement la nourriture se fait rare, mais les déplacements sont plus compliqués et demandent plus d’énergie (donc plus de calories).
Pour passer l’hiver, la faune a développé tout un panel de stratégies différentes selon les espèces, fonction pour chacune de leur position dans l’échelle alimentaire, de leur position de proie ou de prédateur.
Les différentes stratégies pour passer l’hiver
La migration, partir au Sud !
Phénomène caractéristique de certaines espèces d’oiseaux, la migration est une habile adaptation au changement de saison ! Chaque automne, après s’être regroupés, les oiseaux migrateurs mettent le cap (pour la majorité d’entre eux) vers le Sud, rejoignant l’Afrique du Nord franchissant parfois même le Sahara. Ils vont s’établir durant les mois d’hiver dans des zones où ils trouvent de la nourriture en abondance et des températures clémentes, et ce jusqu’au printemps suivant.
Hibernation, hivernation et diapause
Pour passer la saison où la nourriture n’est plus disponible, certains animaux se calent plusieurs mois dans un terrier ou dans une cache dans un état léthargique (leurs fonctions vitales fonctionnent au ralenti et leur température s’abaisse). C’est le cas de la marmotte, du loir, du hérisson (et de la plupart des insectes)… qui hibernent. D’autres animaux le font de manière plus légère en se réveillant plusieurs fois pendant la saison froide, comme le blaireau, qui lui entre en « hivernation ». Enfin chez les insectes, on trouve un état de diapause en hiver, arrêt génétiquement programmé d’un stade du développement : la chenille qui passe à l’état de chrysalide peut traverser la période froide bien protégée sans avoir besoin de s’alimenter.
Le changement de régime alimentaire
Changer de régime alimentaire pour s’adapter aux ressources disponibles en hiver fait partie des adaptations adoptées notamment par la mésange. En été elle se nourrit principalement d’insectes et de larves, l’hiver elle se met au régime graines, bourgeons et baies.
Le changement de couleur ou homochromie saisonnière
Afin de passer inaperçu et d’échapper aux prédateurs, quelques espèces changent de couleur en hiver prenant un pelage ou un plumage blanc, se fondant littéralement avec la neige. Plus discrets et ainsi mieux camouflés, ils peuvent faire des excursions plus longues à découvert pour rechercher de la nourriture.
Par contre le changement climatique n’est pas favorable à cette adaptation chromatique… il n’est pas rare de voir en début de saison sans neige des animaux blancs déambuler dans le paysage, ce qui est largement en leur défaveur puisqu’ils sont alors hyper repérables.
Faire des réserves
L’écureuil est l’emblème de ce comportement. Dès l’automne il s’emploie à dissimuler glands, noisettes et graines dans de multiples cachettes qu’il retrouve tout au long de l’hiver. Cette stratégie lui permet de ne pas se mettre en danger si une cache est visitée par un autre animal ou un congénère. D’autres animaux font aussi des caches de nourriture, comme le geai qui dissimule sous les mousses ou sous des feuilles.
Que font les bouquetins et les chamois en hiver ?
Le chamois est plutôt bien adapté pour se déplacer dans la neige, il est fin et léger avec des sabots munis d’une membrane qui s’écartent et se comportent comme des raquettes. Il a donc une très bonne portance. C’est un animal forestier à la base et l’hiver il recherche des zones couvertes de plus basse altitude avec des falaises. Il s’adapte donc à l’hiver en faisant une petite migration d’étage.
Le bouquetin lui est beaucoup plus massif et se déplace difficilement sur la neige. Ses sabots sont bien conçus pour le rocher mais pas pour un sol mou. L’hiver il reste en altitude et gagne les crêtes où les accumulations de neige sont moindres et où il a donc moins de mal à se déplacer. Il y trouvera des touffes d’herbe et des végétaux abrités par des rochers ou dégagés par le vent.
Des déplacements très coûteux en énergie
L’hiver est une période délicate pour les animaux qui dépensent beaucoup d’énergie pour se déplacer et trouver de la nourriture. Il est donc de la plus haute importance de ne pas les déranger. Se munir de jumelles ou d’une lunette est une bonne idée pour les observer tout en gardant une distance raisonnable.
Sur les Hauts-Plateaux du Vercors, comme dans d’autres Parcs et Réserves naturelles, des zones de tranquillité sont mises en place pour ne pas déranger les Tétras-lyre qui s’enfouissent sous la neige et ne sortent que pour se nourrir d’aiguilles de pins. Le passage des randonneurs à ski ou en raquettes, en le faisant fuir, provoque stress et épuisement, ce qui les fragilise. Il est donc de la plus haute importance de respecter ces zones et de ne pas y pénétrer.
En savoir + sur les zones de tranquillité
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